samedi 7 janvier 2012

Sim City 3000

Bonsoir.

 

Je reçois, de plus en plus, un important courrier. Sache jeune fan-boy, que je prends la peine de feuilleter tes élucubrations orthographiques, chaque soir au coin du feu, après un bon verre de  Vodka-Martini « au shaker, pas à la cuillère ».

 

Cela va, bien sûr de la très touchante déclaration d’admiration : « tro lol cE ke tu fé, mdr xptdr tavu. Antoine F. » à la missive plus intéressée « J’ai beaucoup d’admiration pour ta prose virevoltante, ton esprit chamarré et pour ta fougue haletante. Pourrais-je avoir ton 06 afin que nous puissions disserter de l’expression sociologique des Pensées de Pascal dans l’œuvre de Michel Foucault ? Jessica M. », en passant, bien sûr et surtout par le désormais traditionnel : « A quand ton prochain article ? Elsa. G, Charles. G et Arnaud. H ».

Cher public, tu vas voir, aujourd’hui, tes efforts de lobbying intempestif (qui a dit « bourrage de crane » ?) récompensés. Profite, c’est ton heure de gloire.

 

Changement d’ambiance. Les effet conjugués de la pleine lune, de la ménopause et d’Elisabeth Tessier m’ont fait quitter Seattle pour la charmante ville neigeuse de Spokane. La neige a remplacé la pluie et la population a été divisée par trois. Changement d’ambiance donc. Mais là, n’est pas l’important, même si je te sais, lecteur, avide de Public et autres Voici. L’important, est qu’il m’a fallu un temps certain pour joindre les deux villes. En France, il y a un très large public allant de la buraliste de Rungis au p’tit con à mèche de l’UNI, en passant par Guillaume Pépy qui se plaint des supposés retards de la SNCF. Et ben, je te le dis de but en (laurent) blanc : estime-toi heureux. Là où le langoureux TGV met 4h, le diligent bus Amtrak y passe 8 h 30. Largement pour toi le temps de regarder le paysage, à défaut de ta voisine. C’est précisément le point où je voulais en venir (au paysage, pas à ma voisine). 

 

Quand on était petit, on a tous fantasmé sur les États-Unis, grandeur et splendeur du monde civilisé moderne (c’était le grand I/ de ma dissert’ d’histoire au term). Les buildings, la foule, les spotlights, Broadway, Hollywood et “A Star is Born”. Tout ça, tout ça quoi … Tu t’en doutes, le pays de l’Oncle Sam, en réalité, ce n’est pas vraiment cela. Ce qui m’a tout de suite frappé de prime abord, c’est le vide. Il y a plus de 300 millions d’habitants et tu ne croises personne. Je me souviens surtout de la Chine et de cette étrange sensation de n’être jamais vraiment seul, y compris en allant acheter des cigarettes à 01 h 00 du mat dans un petit village de cambrousse. Ici, c’est juste une accumulation de dépouillements et de creux. Je me doute bien de la façon dont ont procédé John, Sam, Bill et Bob (les 4 Pères Fondateurs_ tu foutais quoi en cours d’histoire géo au lycée à part mater ta voisine ? _), après avoir écrasés toutes formes de civilisation à tipi. Il y avait de la place … alors, ils ont pris de la place.

Je veux dire : vous avez déjà joué à Sim City 3000 ? Pour ceux du fond qui ne suivent pas, Sim City 3000 est un jeu vidéo de gestion sortit en 1999 dont le concept consiste à construire et gérer une ville entière. Et quand tu commences le jeu avec tes hectares et tes hectares, tu fais quoi en premier ? Hé oui, tu fais des routes droites, bien droites. Te viendrait-il à l’idée de faire dans le baroque et l’ornementale ? Non, car tu es maniaque, un poil sarkozyste et que tu aimes l’ordre. A Sim City 3000, il n’y a que les fous, les prétendants à l’école nationale supérieure d’architecte de Paris et les membres du NPA qui fassent des routes biscornues. La bande des quatre a tracé des routes biiiiiien rectilignes et a pris le maximum de place pour le faire. Résultat, on obtient des villes immenses, totalement éclatées et dont les banlieues se ressemblent toutes. Le concept clef, ici, c’est celui de « blocks ». C’est comme cela que la distance se mesure. Tout est à x pâté de maison d’un autre endroit. Cela veut, je crois, tout dire. La conséquence directe, c’est que l’Amérique est un fucking pays vide. Exceptés les énormes centres commerciaux et les cafés, il n’y a pas âmes qui vivent. C’est exactement ce que j’ai pu constater sur la route Seattle-Spokane. Passer les Rocheuses, commence le début du middle-west et le début de l’enfer. A vrai dire, ce n’est pas cela qui me gène le plus. A la limite, l’entière filmographie de John Wayne, d’Henri Fonda et de Georges Abitbol m’y avait préparé : l’Amérique est un pays de plaines, taillées pour le Cinémascope.

 

Je me rappelle parfaitement d’une phrase prononcée par un prof à la fac de droit : « L’Amérique n’a pas d’Histoire ». Sur le coup, je l’ai pris comme une énième rodomontade conservatrice de sa part. Cinq ans après, je suis en train de me dire qu’il n'avait peut-être pas complétement tort. Tout ici semble avoir été construit la veille. Les traces du passé sont enterrés au sens propre, comme au figuré. A Seattle, par exemple, la ville actuelle a été construit cinq mètres au dessus de l’ancienne. Or, sans traces historiques, comment  s’attacher à un pays ? En fait, ce professeur avait tort, l’Amérique est plutôt un pays qui n’a pas d’âme. 

 

Je sais ce que tu dis : ce type n’est qu’un vil péteux, aussi pétri de certitudes que BHL depuis plus de 60 ans. Peut-être. Dans ce cas là, comment tu m’expliques : que les rues portent toutes le même nom, que la moindre star locale soit sanctifiée en moins de temps qu’il faut à la presse écrite française pour pondre 652 pages sur « sale con » et que ce pays ne possède aucune identité culinaire propre (rappel utile : le hamburger est allemand) ? Je te le dis droit dans les yeux : les États-Unis cherchent à se construire une histoire à défaut d’en avoir une. 

 

Au hasard : tu as vu Benjamin Gates ?

 

 

A SUIVRE ...